Les images du conte

Nathalie

Afin de préparer les séances pour les trois classes de l’école Passy, je me suis fixée de travailler les images du conte : le village de Jean, l’arbre aux pendus et le château en ruine où va se dérouler les trois nuit avec les démons/diables.
Le village de Jean :
Je me suis d’abord questionnée sur le lieu géographique du village de Jean. Il sera situé en Europe ; c’est une évidence car le conte est d’origine européenne.
Plus précisément en France, car c’est encore le pays que je connais le mieux…
La Bretagne ? Non, le conte des « Trois soeurs » s’y déroule déjà.
Le Nord de la France ? Je ne connais pas assez, mais son opposé, le Sud, oui.
Les souvenirs de mes vacances passées chez mes grands-parents maternels sont venus réveiller mes sens : la chaleur (souvent écrasante), le chant des cigales (assourdissant), les vignes et les champs d’oliviers (où nous allions grimper avec ma soeur), le mistral, l’accent chantant des habitants et puis la place des villages avec leur fontaine et les immenses platanes.
Tout était là, bien vivant, mais j’avais tout de même envie de pouvoir m’appuyer sur l’image d’un village existant. Alors j’ai cherché dans un livre (« Le pays Cathare, l’Aude entre mer et montagne » de A-M Royer-Pantin et C Bibollet) et j’ai trouvé :

Le village d’Aragon dans la région des Montagnes Noire-Cabardès, entouré de vignes et d’oliviers.

Le village de Cucugnan dans la région des Corbières.

Le château :

Là aussi j’ai cherché dans mes souvenirs : quel château ou autre lieu en ruine avais-je visité ? 
Le château de Domfront en Normandie, dominant la vallée mais en plein milieu de la ville. Le château de Jean sera, lui, en plein milieu de nulle part. Ce ne sera pas Domfront, d’ailleurs trop en ruine.



           

L‘abbaye de Jumièges, en Normandie, entouré de son immense parc et de ses arbres centenaires. Pourquoi pas.

                                                       



M’est venue en mémoire une maison en ruine dans laquelle j’avais tenté d’entrer en fin de journée, alors que la nuit tombait. J’ai vite fait demi-tour, je sentais mes cheveux se dresser sur ma tête et un grand frisson me parcourir l’échine… Brrrr… J’en frissonne encore. Mais Jean, lui, n’aura pas peur lorsqu’il entrera dans le château et c’est justement un château, pas une maison ; les dimensions ne sont pas les mêmes… Ce n’est pas ça.

Alors, je me suis ensuite plongée dans des livres, et là encore, j’ai trouvé l’image que je souhaitais : le château de Passy, en Bourgogne. C’était exactement le château que j’avais en tête : en ruine mais pas complètement. En plein milieu de nulle part mais pas sur un éperon rocheux comme les châteaux cathares.



J’avais trouvé le village de Jean, ainsi que le château, mais il me manquait l’arbre aux pendus. J’ai cherché dans des livres et aussi sur Internet. Pour l’instant je n’ai pas encore trouvé, à suivre !


Quand au travail de conte, il peut commencer : donner à voir et à sentir ces images et ces souvenirs qui vont vivre et grandir en moi.

Séance du 6 mars à la bibliothèque George Sand

 Odile
 Juste de retour de vacances, les 6ème6 du collège des Hauts-Grillets font la connaissance de Coline qui leur explique ce qu’elle fait et le rôle qu’elle joue dans cette aventure. Armée de son carnet et de son crayon, Coline commence déjà à faire quelques croquis ! Les élèves l’oublient et sont tout à fait prêts à répondre aux questions de Nathalie et à donner leur avis sur les différentes versions du conte de Jean Sans Peur.

Après avoir évoqué les différents contes, Nathalie se concentre… L’histoire démarre et nous voilà tous embarqués dans la magie du conte. Lorsque les masques s’animent et deviennent personnages, les yeux s’écarquillent et quelques rires fusent. C’était bien ! On applaudit ! Mais il nous faut retourner dans la réalité et retrouver notre habit de critique. 

Nous avons tous hâte de découvrir la deuxième partie du spectacle. Mais pour l’instant il faut repartir en classe, reprendre nos tâches de bibliothécaire, ranger le carnet de croquis et le crayon. Seule Nathalie continue à travailler, pour notre plus grand plaisir !
Merci.
                

                                                                        

Croquis de Coline réalisé lors de la séance

Mardi 6 mars : rencontre avec la 6ème 6.

Nathalie

Ce matin, j’ai présenté la première partie de « Jean-Sans-Peur » pour la quatrième fois. J’ai changé pas mal de choses depuis la première rencontre ; il a fallu que je fasse des choix et que j’élague. Cela n’a pas été facile. Un petit retour en arrière s’impose.


Lundi 27 février, j’ai présenté l’état de mon travail à Claire Heggen. Son regard, ses questions, ses remarques ont mis en évidence les failles et les incohérences du travail en cours. Nous avons alors réfléchi aux solutions possibles et tourné les problèmes sous différents angles. Pas de recette miracle : il faut continuer à chercher et à essayer, mais Claire Heggen m’a ouvert les portes des chemins possibles. À moi de travailler pour pouvoir les emprunter ou non.
Jeudi 1er mars, lors de la répétition à la bibliothèque multimédia, j’ai donc retravaillé la scène des pendus. J’ai pataugé, essayé, essayé encore… Fait une pause, regardé les photos prises par Coline et constaté : « Non, c’est pas ça ! »
Alors j’ai tenté autre chose. J’ai cru avoir trouvé. Et puis après le déjeuner, lorsque nous avons repris, le bilan était clair : « C’est pas encore ça… »
À la fin de la journée, je ne savais plus rien. J’étais perdue. J’avais le moral dans les chaussettes.

                                                   

J’ai laissé reposer pendant le week-end, et ce matin, j’ai présenté à la 6ème 6 le résultat de ces cogitations. Il m’a fallu ce temps pour accepter de me séparer de certaines trouvailles auxquelles je tenais mais qui n’étaient pas nécessaires pour la cohérence et la fluidité du conte.

Le travail de création est aussi fait de deuils qu’il faut accepter pour avancer.

Croquis de Coline réalisé lors la rencontre avec les 6°6

Mercredi : réparation des masques.

Nathalie

À force de répéter et de manipuler les pendus, parfois l’élastique lâche et le masque tombe, ou bien je les cogne contre une chaise. Enfin bref, la peinture s’écaille, l’enduit lâche… Il faut alors les mettre en réparation.
Aujourd’hui, j’ai donc retroussé mes manches : ponçage, enduit, ponçage de nouveau, peinture blanche puis peinture de couleur afin que les pendus retrouvent leur éclat.
Réparations avant la nouvelle couche de peinture

Compte-rendu de lecture des élèves.

Nathalie

Afin de plonger les élèves dans « Jean-Sans-Peur », les enseignants leur ont lu en classe quatre versions du conte. Ainsi, ils ont pu se faire une idée des variantes possibles et des choix à faire lorsque l’on travaille sur un conte-type.

Voici quelques uns des commentaires des différentes classes :
À propos de la version d’Italo Calvino : « Jeannot qui n’a pas froid aux yeux« 
Version un peu molle et trop courte. Les choses vont trop vite.
Le héros a mauvais caractère, il manque d’étoffe.
Jeannot n’est pas un prénom pour quelqu’un qui n’a peur de rien.
Point fort : le géant en pièces détachées.
La fin n’a pas été très appréciée : il meurt à cause de son ombre.

À propos d’une des versions bourguignonne : « Guillaume-Sans-Peur »
Élément non apprécié : le fait que Guillaume tue son frère. La mère réagit bizarrement ; elle n’a pas de chagrin et protège Guillaume.
Présence des pendus et des démons appréciée ; cependant, les démons étaient un peu trop gentils.
Dommage que Guillaume ne parvienne pas à connaître la peur et à se marier.
À propos d’une version d’Henri Gougaud : « Jean-Sans-Peur »
Bonne idée pour le gâteau découpé et la peur donnée à Jean, mais cela aurait peut-être été mieux que Jean parvienne à avoir peur avec le diable plutôt qu’avec le roi.
Le diable n’est pas assez méchant, au contraire, il paraît peureux, ce qui est bizarre !
Bonhomme puzzle : très bonne idée.
Jean est rusé, il a pris le diable à son propre piège, mais celui-ci est un peu trop facile à berner.
 
À propos de la version des frères Grimm : « Celui qui s’en alla apprendre le tremblement »
C’est la version la plus développée et la plus amusante. Conte très apprécié.
Ce qui a beaucoup plu : le jeu de quilles avec les têtes de morts et les os ainsi que l’homme/diable qui tombe en morceaux de la cheminée et se reconstitue.
Ils ont aimé le fait que Jean joue (littéralement) avec la mort.
Par contre, fin décevante, un peu bizarre, mais c’est la plus comique de toutes les versions.

Dimanche : lecture

Dimanche 19 février 2012

Nathalie

J’ai commencé la lecture d’un livre de Jacques Lecoq : « Le corps poétique, un enseignement de la création théâtrale », aux éditions Actes Sud Papier.
J’ai noté quelques extraits qui sont en échos avec mon projet de présentation des extraits de « Jean sans peur » aux élèves afin de m’aider à consolider le conte  :
« La critique que l’on émet sur le travail n’est pas une critique du bien ou du mal, c’est une critique du juste, du trop long, du trop court, de l’intéressant, du pas intéressant. […] Ne nous intéresse que ce qui est juste : une dimension artistique, une émotion, un angle, un rapport de couleur […]. Chacun peut ressentir cela et le public sait parfaitement quand c’est juste. » 
P. 31
 » Une grosse erreur est une catastrophe, une petite erreur est essentielle pour permettre de mieux exister. Sans erreur, il n’y pas plus de mouvement. C’est la mort ! » 
P. 32
« Les élèves sont souvent contradictoires. Il faut à la fois les entendre et ne pas trop les écouter. Il faut aussi s’opposer, se battre pour les emmener dans un espace poétique véritable. Cette dimension est parfois difficile à atteindre. A leur manque d’imagination il faut répondre par le fantastique, par la beauté, par la folie de la beauté. » 
P. 34