Un peu de sagesse

Les Trois Tamis


Un jour, quelqu’un vit Socrate et lui dit :
– Socrate, il faut que je te raconte comment ton ami s’est conduit.
– Arrête, interrompit l’homme sage. As-tu passé ce que tu as à me dire à travers les trois tamis ?
– Trois tamis ? dit l’autre, rempli d’étonnement.
– Oui mon bon ami : trois tamis.Examinons si ce que tu as à me dire peut passer par les trois tamis. Le premier est celui de la vérité. As-tu contrôlé si tout ce que tu veux me raconter est vrai ?
– Non, je l’ai entendu raconter et…
– Bien, bien. Mais assurément, tu l’as fait passer à travers le deuxième tamis, celui de la bonté. Ce que tu veux me raconter, si ce n’est pas tout à fait vrai, est-ce au moins quelque chose de bon ?
– Hésitant, l’autre répondit : Non, ce n’est pas quelque chose de bon, au contraire…
– Hum ! dit le sage, essayons de nous servir du troisième tamis, et voyons s’il est utile de me raconter ce que tu as envie de me dire…
– Utile ? pas précisément…
– Eh bien, dit Socrate en souriant, si ce que tu as à me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfère ne pas le savoir, et quant à toi, je te conseille de l’oublier. 

 Socrate

La présence-absence

« L’acteur invisible » de Yoshi OIDA, Actes Sud, p. 93-94

« Au début de la scène, [le musicien] commençait un battement régulier de tambour. Je le prenais comme point d’appui et m’efforçais seulement de relier mes mouvements au battement du tambour. Pour moi, il n’y avait rien d’autre. Seul le lien entre le son et les actions de mon corps. […] 
C’était un moment sinistre, sans la moindre note de gaieté […]. Cependant, je ne jouais pas la « tristesse ». Sa présence était simplement admise. […]
A la réflexion, je me dis que ce moment fonctionnait parce que j’étais intensément concentré sur une chose unique. En conséquence un grand espace s’ouvrait « en moi » ; lequel espace permettait à l’imagination de public d’entrer
Je ne m’encombrais pas à l’intérieur avec tout un fatras psychologique. Je me contentais de respecter la situation et ensuite de me concentrer sur la musique. En retour, cette concentration provoquait une sorte de vacuité intérieure. Et dans cette vacuité, le public pouvait projeter son imaginaire. Il pouvait s’inventer toutes sortes d’histoires à propos de ce que je ressentais.
L’espace vide du théâtre existe à l’intérieur de l’acteur tout autant que sur le plateau. »                       

Le commencement de la fin…

Nathalie
«  Le public, c’est celui que l’on doit toujours écouter,
mais à qui l’on ne doit pas toujours obéir»
Ariane Mnouchkine, « L’art du présent, entretiens avec Fabienne Pascaud »
Au commencement, il y a eu des questions : Peut-on vivre sans peur(s) ? La peur est-elle inévitable ? Si elle l’est, comment vivre avec ?
Ensuite il y a eu la rencontre avec « Barbe bleue » et ses variantes. « Jean-Sans-Peur » est venu plus tard et « Le tout petit os » à la fin.
Trois années se sont écoulées entre les premières questions et le spectacle « Gens sans peurs ».
Ce n’est pas toujours aussi long, heureusement…
Pendant deux ans, j’ai travaillé, mais trop souvent je me retrouvais seule avec mes doutes et mes mécontentements.
Au bout de deux ans, je me suis rendue compte que si je voulais aller au bout de « Jean-Sans-Peur », je devais faire différemment : je ne pouvais plus être seule avec mes « peurs blocages ». Je devais aller vers l’inconnu mais… accompagnée.
J’avais besoin de rencontrer un public vivant et bienveillant pour avancer dans mes esquisses du conte.
Claire Heggen, elle, m’a indiqué d’autres chemins possibles lors de nos séances de travail ; à moi de les emprunter ou non.
À l’auditorium de la bibliothèque de St-Germain-en-Laye, Coline était là pour m’encourager par sa présence, ainsi que toute l’équipe des bibliothécaires.
Quand je ne voyais plus rien, que je ne savais plus comment faire, je demandais à Coline de « chausser » un masque ou de prendre des photos, afin de voir autrement ; depuis la place du spectateur.
Puis, venaient les moments où je présentais les extraits de mon travail en cours aux élèves.
J’étais enfin face à un public, mais pas n’importe lequel : exigeant, critique et toujours bienveillant.
Lors de ces rencontres, je devais aller au-delà de mes doutes, de mes hésitations.
Je ne pouvais plus faire et refaire le même geste dans l’espoir d’arriver au bon, mais je devais me laisser faire par le geste qui venait au moment de la rencontre.
Je ne pouvais plus balbutier et buter sur chaque mot mais conter en me laissant porter par l’histoire.
Grâce à la présence des élèves face à moi, grâce à leurs attentes et à leur curiosité, je devais aller au bout de mes propositions du moment. Quitte à me tromper. Alors, j’essayais de nouveau, en compagnie des élèves.
Sans ces moments de partage où « Jean-Sans-Peur » prenait enfin vie, je sais que je me serais laissée envahir par mes « peurs blocages » et que je n’aurais pas pu aller au-delà
Maintenant que « Gens sans peurs » est là, tout me semble si évident… Et pourtant, le voyage ne fait que commencer.
Un immense MERCI à tout ceux et celles qui ont permis à « Gens sans peurs » de voir le jour en ce 10 mai 2012.
« Les choses ne sont pas difficiles à faire,
ce qui est difficile c’est de nous mettre en l’état de les faire. »
Brancusi

Dimanche : lecture

Dimanche 19 février 2012

Nathalie

J’ai commencé la lecture d’un livre de Jacques Lecoq : « Le corps poétique, un enseignement de la création théâtrale », aux éditions Actes Sud Papier.
J’ai noté quelques extraits qui sont en échos avec mon projet de présentation des extraits de « Jean sans peur » aux élèves afin de m’aider à consolider le conte  :
« La critique que l’on émet sur le travail n’est pas une critique du bien ou du mal, c’est une critique du juste, du trop long, du trop court, de l’intéressant, du pas intéressant. […] Ne nous intéresse que ce qui est juste : une dimension artistique, une émotion, un angle, un rapport de couleur […]. Chacun peut ressentir cela et le public sait parfaitement quand c’est juste. » 
P. 31
 » Une grosse erreur est une catastrophe, une petite erreur est essentielle pour permettre de mieux exister. Sans erreur, il n’y pas plus de mouvement. C’est la mort ! » 
P. 32
« Les élèves sont souvent contradictoires. Il faut à la fois les entendre et ne pas trop les écouter. Il faut aussi s’opposer, se battre pour les emmener dans un espace poétique véritable. Cette dimension est parfois difficile à atteindre. A leur manque d’imagination il faut répondre par le fantastique, par la beauté, par la folie de la beauté. » 
P. 34