A la rencontre de Pieds d’or aux Essarts le Roi

 
Photo : B. Lecussan    Valérie présente la rencontre 
Invitée par la bibliothèque Sheila Choisne des Essarts le Roi, j’ai rencontré deux classes de CM2 vendredi 29 mai, autour de mon métier de conteuse, ou comment je passe de l’écrit à l’oral.
J’ai, entre autre, évoqué la différence entre le lecteur qui lit une histoire ou un album, le comédien qui apprend un texte et l’interprète et le conteur qui s’empare de la trame d’un conte pour le rêver et le raconter avec ses mots, son corps, sa voix…

Photo : B. Lecussan     Des questions ! Des questions !
Parler de mon métier est une chose, le rendre concret en est une autre : j’ai choisi de conter l’histoire que je suis en train de travailler : « Pieds d’or ».
Ce conte merveilleux de Gascogne est long et la fin est encore en chantier, je n’ai donc pas raconté toute l’histoire aux élèves venus ce jour-là, à la bibliothèque. Le matin, j’ai conté la première partie, celle où l’on fait connaissance du héros et du forgeron de Pont-de-Pile. L’après-midi, j’ai conté en plus la deuxième partie, celle où l’apprenti forgeron se rend au château du roi des Sept Iles pour réaliser les bijoux de la fille aînée.
Les classes n’ont donc pas entendu la fin du conte ! Je sais, c’est dur mais cela faisait parti de la rencontre et les élèves ont tout à fait perçu les moments encore en chantier ; les images qui n’étaient pas claires ou pas assez précises ou bien avec lesquelles je ne suis pas très à l’aise….
Après leur avoir conté ma version de « Pieds d’or » et puisqu’il était question de l’aller-retour entre l’écrit et l’oral, je leur ai lu un extrait de chacune de versions écrites sur lesquelles j’ai travaillé : celle de Jean-François Bladé et celle de Fanette Pézard.
Les extraits se situent au tout début de conte, au moment où le héros va voir le forgeron de Pont-de-Pile pour entrer en apprentissage chez lui. Avant d’être apprenti, il faut le mériter !

Jean-François Bladé :
« Le garçon entra dans la boutique, sans peur ni crainte.
– Garçon, prouve-moi que tu es fort.
Le garçon prit une enclume de sept quintaux, et la jeta dehors à plus de cent toises.
– Garçon, prouve-moi que tu es adroit.
Le garçon s’en alla devant une toile d’araignée, qu’il dévida et pelotonna d’un bout à l’autre, sans jamais casser le fil.
– Garçon, prouve-moi que tu es hardi.
Le garçon ouvrit la porte de la roue, où vivait enfermé, nuit et jour, le loup noir grand comme un cheval, qui faisait marcher le soufflet de forge. Aussitôt, le loup s’élança. Mais le garçon le saisit en l’air par le cou, lui coupa la queue et les quatre pattes sur une enclume, et le brûla vif au feu de la forge. »

Photo : B. Lecussan           Moment de lecture (Bladé)
Fanette Pézard
« – Voici un petit lingot de fer, à midi je veux qu’il soit large comme un lit, brillant comme un étang et mince comme une feuille de peuplier. Je te laisse.
Et l’apprenti resta seul devant un lingot qui lui arrivait à la taille. A midi, une plaque de fer était appuyée contre le mur, mince comme une feuille de peuplier, brillante comme un étang, large comme un lit. […]
– Voici un lingot d’or. Avant le lever de la lune, il doit être transformé en une chaîne fine comme un cheveu et longue d’une quart de lieue. Je te laisse.
Et l’apprenti resta seul , tenant dans le creux de sa main un lingot d’or gros comme une noix. Le soir, une chaîne longue d’un quart de lieue et fine comme un cheveu était enroulée devant le feu. […]
– Voici un morceau de cuivre. Je veux qu’avant l’aurore tu me fasses un bracelet souple comme  un copeau, qui puisse aller à la main d’un nouveau-né aussi bien qu’à la mienne. Je te laisse.
Et l’apprenti resta seul avec un morceau de cuivre gros comme une noisette. A l’aurore, le bracelet était fini, enroulé sur lui-même comme un serpent et souple comme un copeau. […] »
Il m’a fallu me détacher de la version de Pézard, que mes parents me lisaient lorsque j’étais enfant. Elle était trop littéraire et le héros savait déjà tout faire avant d’entrer en apprentissage, cela ne me convenait pas… Ceci dit, il m’a fallu aussi prendre du recul par rapport à celle de Bladé car les épreuves étaient trop fortes, je n’arrivais pas à y croire. Il me faut trouver mon propre chemin dans cette histoire.

Ces deux nouvelles rencontres avec les classes m’ont permis d’aller plus loin dans le conte de « Pieds d’or », la suite va se forger petit à petit pour qu’en janvier, à Vernon, je puisse raconter la fin de ce conte qui chemine en moi depuis si longtemps.
Un grand merci aux bibliothécaires (Valérie, Bérengère et Maud) des Essarts le Roi pour leur accueil, leur écoute et l’idée du projet autour du conte.
Merci également aux deux classes de CM2 qui ont joué le jeu de cette « rencontre en cours ».

Nathalie 

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