Le commencement de la fin…

Nathalie
«  Le public, c’est celui que l’on doit toujours écouter,
mais à qui l’on ne doit pas toujours obéir»
Ariane Mnouchkine, « L’art du présent, entretiens avec Fabienne Pascaud »
Au commencement, il y a eu des questions : Peut-on vivre sans peur(s) ? La peur est-elle inévitable ? Si elle l’est, comment vivre avec ?
Ensuite il y a eu la rencontre avec « Barbe bleue » et ses variantes. « Jean-Sans-Peur » est venu plus tard et « Le tout petit os » à la fin.
Trois années se sont écoulées entre les premières questions et le spectacle « Gens sans peurs ».
Ce n’est pas toujours aussi long, heureusement…
Pendant deux ans, j’ai travaillé, mais trop souvent je me retrouvais seule avec mes doutes et mes mécontentements.
Au bout de deux ans, je me suis rendue compte que si je voulais aller au bout de « Jean-Sans-Peur », je devais faire différemment : je ne pouvais plus être seule avec mes « peurs blocages ». Je devais aller vers l’inconnu mais… accompagnée.
J’avais besoin de rencontrer un public vivant et bienveillant pour avancer dans mes esquisses du conte.
Claire Heggen, elle, m’a indiqué d’autres chemins possibles lors de nos séances de travail ; à moi de les emprunter ou non.
À l’auditorium de la bibliothèque de St-Germain-en-Laye, Coline était là pour m’encourager par sa présence, ainsi que toute l’équipe des bibliothécaires.
Quand je ne voyais plus rien, que je ne savais plus comment faire, je demandais à Coline de « chausser » un masque ou de prendre des photos, afin de voir autrement ; depuis la place du spectateur.
Puis, venaient les moments où je présentais les extraits de mon travail en cours aux élèves.
J’étais enfin face à un public, mais pas n’importe lequel : exigeant, critique et toujours bienveillant.
Lors de ces rencontres, je devais aller au-delà de mes doutes, de mes hésitations.
Je ne pouvais plus faire et refaire le même geste dans l’espoir d’arriver au bon, mais je devais me laisser faire par le geste qui venait au moment de la rencontre.
Je ne pouvais plus balbutier et buter sur chaque mot mais conter en me laissant porter par l’histoire.
Grâce à la présence des élèves face à moi, grâce à leurs attentes et à leur curiosité, je devais aller au bout de mes propositions du moment. Quitte à me tromper. Alors, j’essayais de nouveau, en compagnie des élèves.
Sans ces moments de partage où « Jean-Sans-Peur » prenait enfin vie, je sais que je me serais laissée envahir par mes « peurs blocages » et que je n’aurais pas pu aller au-delà
Maintenant que « Gens sans peurs » est là, tout me semble si évident… Et pourtant, le voyage ne fait que commencer.
Un immense MERCI à tout ceux et celles qui ont permis à “Gens sans peurs” de voir le jour en ce 10 mai 2012.
« Les choses ne sont pas difficiles à faire,
ce qui est difficile c’est de nous mettre en l’état de les faire. »
Brancusi

La 6° 1 parle de «Gens sans peurs…»

Nous sommes très contents d’avoir participé à ce projet qui était nouveau et original. 
Nous avons particulièrement apprécié les échanges sur le thème de la peuret le déroulement des séances qui nous permettaient de prendre beaucoup de plaisir à écouter des histoires, tout en nous investissant dans leur mise en scène.
Nous avons aimé l’explication sur la fabrication des masques (nous avons même envie d’essayer d’en fabriquer nous-mêmes !) et tous les passages contés manipulant ces masques, inventifs et drôles. 
Les temps forts du spectacle ont été pour nous le cache-cache et le 1-2-3 soleil de “Jean-sans-peur” car l’on a pu intervenir avec Nathalie, qui est une conteuse passionnante. 
Ecoutez-la aussi dans l’histoire du “Tout petit petit os…” : les regards et la voix de la vieille femme… Un vrai régal ! 
Nous attendions aussi avec impatience la fin du conte “Jean-sans-peur” … Effet de surprise garanti !
Merci beaucoup !!!

Dernières répétitions…

Coline

Aujourd’hui, j’ai assisté aux dernières répétitions de Nathalie avant les premières représentations officielles de son spectacle “Gens sans peurs”.
“Dernières répétitions” signifie “dernières mises au point”. Nathalie a choisi de ne pas trop répéter afin de ne pas se fatiguer avant le jour J. Elle n’a pas filé le spectacle en entier, mais s’est attardée sur quelques scènes moins maîtrisées que d’autres (selon elle).
Quant à moi, j’ai pris pas mal de photos, profitant des beaux éclairages qui seront présents durant le spectacle. Demain, Nathalie donnera trois représentations devant les classes qui l’ont suivie pendant plusieurs mois. J’y assisterai ; j’ai hâte !
Ce qui est plaisant, c’est de savoir que ces représentations ne seront pas les versions définitives de “Jean-Sans-Peur”. Nathalie continuera de travailler sur le conte pour l’améliorer encore et s’y sentir complètement à l’aise.
Ces trois représentations sont l’aboutissement d’une étape, mais ne marquent pas la fin de l’aventure.


Vendredi 6 avril : rencontre avec la 6ème 3.

Nathalie

C’est la dernière séance avec une classe. 
Je suis tendue et fatiguée par cette semaine très intense, mais j’ai choisi de leur présenter à eux aussi “Jean-Sans-Peur” en entier ; sauf la toute fin, bien entendu.

Il faut que je continue d’essayer le conte, un peu comme un vêtement : sera-t-il trop court ? Trop long ? Trop sage ? Quel est son souffle ? Sa couleur ? …

Croquis de la 6ème 3 par Coline.

                                 

Les élèves sont à l’écoute. Le début est trop rapide, trop court.
Puis vient la scène avec les pendus : ils se souviennent, s’amusent, anticipent parfois sur les dialogues.
Viennent les trois nuits dans le château : ils découvrent l’enchevêtrement des démons avec mon propre corps qui est aussi celui de Jean. Qui est qui ?
La partie de cache-cache amuse, même si le diable les approche peut-être d’un peu trop près…
Enfin, nous essayons ensemble la dernière nuit… Je ne peux travailler cette séquence interactive qu’avec un public. Ils sont bons joueurs et me permettent d’aller un peu plus loin dans ma réflexion sur cette scène.
Après la séance, je ne peux que constater qu’il me manque l’axe du conte, sa colonne vertébrale,  ce qui le fera tenir debout : le caractère de Jean et ce qui l’anime. J’ai l’habit mais je n’ai pas le squelette…
Je tourne autour, je cherche, j’essaie, j’abandonne pour revenir encore au même endroit mais par un autre chemin. Je finirai bien par trouver Jean

Jeudi 5 avril : Rencontre avec la 6ème 1.


Nathalie

Pour cette séance, j’ai souhaité leur raconter “Jean-Sans-Peur” en entier (sauf la toute fin). Cela me permettait d’avoir une idée de la durée du conte et de voir si tout s’enchaînait de manière fluide et cohérente.

J’ai choisi de resserrer le début afin d’aller dans le vif du sujet, à la grande déception des élèves. Le “killer darling” avait frappé.
Le caractère de Jean a également changé : ce n’est plus un naïf rusé, mais un fier-à-bras… Mon cœur balance entre ces deux Jean-là. Indécision.

L’arbre aux pendus est désormais en adresse directe au public : ça fonctionne.

Dans le château, la première nuit avec les démons commence à bien prendre vie. La deuxième nuit se structure, mais le bon timing est encore à trouver.
Quant à la troisième… Elle est encore en friche.

                   

Christophe

Déjà la dernière séance avant le spectacle au mois de mai prochain !
Cette fois-ci, Nathalie nous livre en avant-première et en entier son “Jean Sans peur“.
Encore une fois, Nathalie est époustouflante de vivacité !
S’engage ensuite un dialogue avec les collégiens, le professeur et moi : comment avons-nous perçu la prestation ? Le nouveau début du conte ? Les différentes parties sont-elles bien agencées ?
Au vu de nos remarques, Nathalie va devoir s’adapter, changer ! Mais c’est cela qui est intéressant.
D’ici le 10 mai, surprend nous encore, Nathalie !

Mardi 3 avril : Troisième rencontre avec la 6ème 6 à la bibliothèque George Sand

Odile
Nous sommes tous impatients de découvrir la deuxième partie du spectacle et nous nous installons, chacun dans son rôle : les yeux et les oreilles grands ouverts, papier, crayon, appareil photo… 
 
Nathalie nous annonce qu’elle avait travaillé tard hier soir sur les dernières scènes, elle nous offre donc une version presque improvisée, sans filet ! 

Après la présentation les commentaires fusent, les suggestions abondent, les enfants ont tellement d’idées que j’ai du mal à tout noter.

Nathalie repart avec sa brassée d’ingrédients pour les prochaines rencontres et on lui fait confiance, elle cuisine bien Nathalie !
Pendant ce temps là, Coline a fait quelques photos et quelques croquis, l’air de rien…





Coline (article complété par mes croquis)

Ce mardi, Nathalie allait présenter pour la première fois, devant la classe de 6ème 6, les trois nuits que Jean passe dans le château. Elle se sentait un peu perdue et pensait que la séance serait plus courte que d’habitude.

Ce ne fut pas le cas. La séance fut très riche et les élèves ont été réactifs. Ils ont beaucoup participé, ont exercé leur sens critique et ont proposé un bon nombre d’idées, dont certaines très intéressantes, que Nathalie reprendra peut-être.

En définitive, cette rencontre s’est très bien déroulée et tout le monde en est ressorti enthousiaste. J’ai hâte de voir la présentation officielle du spectacle !

Travail avec Claire Heggen

Nathalie

Hier soir, j’avais rendez-vous avec Claire Heggen pour lui présenter les trois nuits que Jean passe dans le château à jouer avec les démons.

Pour la première nuit, Claire m’a invité à élargir la gestuelle des démons afin de la rendre simple et musicale.
Pour la deuxième nuit, nous avons exploré les différentes possibilités qu’offre le démon bleu, l’impératif principal étant que le masque doit toujours rester face au public. Il peut tourner sur lui-même, se retourner rapidement, avancer en diagonale, sauter, reculer, trépigner, mais le masque doit toujours rester frontal.
Il faut penser à la causalité : le démon bleu cherche Jean (action) ; quelles sont les réactions de Jean ? Celles-ci engendrant d’autres réactions en chaîne…
Pour la troisième nuit, ça se complique. Il faut que la scène monte en puissance.
Mon idée de départ était que les démons soient présents ensemble pour jouer à “1, 2, 3, soleil” avec Jean. Après quelques essais infructueux, Claire m’invite à approcher le jeu sous un autre point de vue : celui de Jean. Du coup, les démons ne sont pas présents dans la scène et c’est Jean qui mène le jeu.
À moi, maintenant, de tester ces nouvelles propositions devant les trois classes de 6ème qu’il me reste à rencontrer.

Rencontre du jeudi 15 mars

Anne-Sophie
Depuis le mois de janvier, J’ai accompagné les trois rencontres avec la classe de CM1-CM2 de l’école Passy, trois séances dans lesquelles je n’ai cessé d’admirer les chorégraphies de Nathalie. 
Sobrement vêtue d’un T-shirt noir et d’un pantalon bouffant noir ou rouge sombre, un chignon lâche sur la nuque et quelques cheveux épars sur le front, Nathalie conte et danse.
Gracile et gracieuse, elle évolue sur la scène à petits pas, glisse, virevolte, fait un grand saut, rebondit plus légère qu’un papillon, puis magicienne, fait apparaître des objets dans ses mains…comme par enchantement.

Et enchantés, nous le sommes tous ! Si les remarques, toujours constructives, fusent, chacun est ravi : rires aux larmes, larges sourires, regards ébahis, silence attentif ; les scènes avec les masques ont bien évidemment récolté tous les suffrages !
On attend tous la suite avec impatience !

Jeudi 8 mars : deuxième rencontre avec la 6ème 1

Coline
Le matin, Nathalie a présenté “Jean-Sans-Peur” à une classe de 6ème du collège des Hauts-Grillets.
Cette séance était importante, car Nathalie présentait un nouveau début de conte. Ce n’était pas évident : le commencement de l’histoire avait tendance à être trop long et il a fallu faire un minutieux travail d’élagage.
Nathalie a dû également abandonner une scène du conte qu’elle appréciait, mais qui alourdissait l’histoire. C’est ce qu’on appelle le “killer darling” : on abandonne des choses que l’on aime, mais ceci au profit du projet.
Et en effet, avec cet abandon et ce début plus court, l’histoire gagne en rythme, en fluidité. On accroche plus facilement au conte. La scène des pendus est de mieux en mieux maîtrisée.
Je vois que Nathalie s’engage sur un très bon chemin, que l’histoire évolue dans le bon sens. Le projet se peaufine et s’affine, les gestuelles et les dialogues deviennent plus précis et plus complets. On commence à voir toute l’ampleur du spectacle à venir.
 
Christophe
Les élèves ont donné leurs impressions sur les différentes versions qu’ils ont lu du conte “Jean Sans Peur” en autre celles d’Italo Calvino et des frères Grimm. 
Nathalie donne de sa personne tout au long de la séance, notamment lors de l’épisode des pendus. 
Le conte évolue au gré des séances : ainsi depuis celle qu’elle a présenté autres classes, Nathalie a retravaillé, modifié au vu des remarques des élèves.
Vivre cette expérience de création d’un spectacle de conte est très enrichissant pour nous tous, bibliothécaires ! C’est une chance !

La suite … au prochain épisode… le 5 avril.

Les images du conte

Nathalie

Afin de préparer les séances pour les trois classes de l’école Passy, je me suis fixée de travailler les images du conte : le village de Jean, l’arbre aux pendus et le château en ruine où va se dérouler les trois nuit avec les démons/diables.
Le village de Jean :
Je me suis d’abord questionnée sur le lieu géographique du village de Jean. Il sera situé en Europe ; c’est une évidence car le conte est d’origine européenne.
Plus précisément en France, car c’est encore le pays que je connais le mieux…
La Bretagne ? Non, le conte des “Trois soeurs” s’y déroule déjà.
Le Nord de la France ? Je ne connais pas assez, mais son opposé, le Sud, oui.
Les souvenirs de mes vacances passées chez mes grands-parents maternels sont venus réveiller mes sens : la chaleur (souvent écrasante), le chant des cigales (assourdissant), les vignes et les champs d’oliviers (où nous allions grimper avec ma soeur), le mistral, l’accent chantant des habitants et puis la place des villages avec leur fontaine et les immenses platanes.
Tout était là, bien vivant, mais j’avais tout de même envie de pouvoir m’appuyer sur l’image d’un village existant. Alors j’ai cherché dans un livre (“Le pays Cathare, l’Aude entre mer et montagne” de A-M Royer-Pantin et C Bibollet) et j’ai trouvé :

Le village d’Aragon dans la région des Montagnes Noire-Cabardès, entouré de vignes et d’oliviers.

Le village de Cucugnan dans la région des Corbières.

Le château :

Là aussi j’ai cherché dans mes souvenirs : quel château ou autre lieu en ruine avais-je visité ? 
Le château de Domfront en Normandie, dominant la vallée mais en plein milieu de la ville. Le château de Jean sera, lui, en plein milieu de nulle part. Ce ne sera pas Domfront, d’ailleurs trop en ruine.



           

L‘abbaye de Jumièges, en Normandie, entouré de son immense parc et de ses arbres centenaires. Pourquoi pas.

                                                       



M’est venue en mémoire une maison en ruine dans laquelle j’avais tenté d’entrer en fin de journée, alors que la nuit tombait. J’ai vite fait demi-tour, je sentais mes cheveux se dresser sur ma tête et un grand frisson me parcourir l’échine… Brrrr… J’en frissonne encore. Mais Jean, lui, n’aura pas peur lorsqu’il entrera dans le château et c’est justement un château, pas une maison ; les dimensions ne sont pas les mêmes… Ce n’est pas ça.

Alors, je me suis ensuite plongée dans des livres, et là encore, j’ai trouvé l’image que je souhaitais : le château de Passy, en Bourgogne. C’était exactement le château que j’avais en tête : en ruine mais pas complètement. En plein milieu de nulle part mais pas sur un éperon rocheux comme les châteaux cathares.



J’avais trouvé le village de Jean, ainsi que le château, mais il me manquait l’arbre aux pendus. J’ai cherché dans des livres et aussi sur Internet. Pour l’instant je n’ai pas encore trouvé, à suivre !


Quand au travail de conte, il peut commencer : donner à voir et à sentir ces images et ces souvenirs qui vont vivre et grandir en moi.